Douleur et nociception : puisqu’on vous dit que ce n’est pas la même chose !

Douleur et nociception : puisqu’on vous dit que ce n’est pas la même chose !

Douleur et nociception deux concepts différents

Auteur Rubrique de cours Relecteur Responsable
Arthur Courtin Douleur, différente de nociception Nathan Risch Jan-Hendrik Maitre

Dans ce chapitre, nous chercherons à comprendre les concepts de nociception et de douleur et saisir ce qui les différencie. Pour ce faire, nous partirons de définitions, qui seront explicitées et exploitées pour permettre d’en saisir les nuances et les implications.

Nociception (1) : encodage neural des stimuli nocifs

Système nociceptif : système sensoriel responsable de la nociception

Douleur (1) : expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite en termes d’une telle lésion.

 

Pour protéger son intégrité, le corps humain dispose d’un système d’alarme. Le système nociceptif est le capteur de ce système. Il collecte les informations à la périphérie et les fait remonter vers le cerveau. Là, différentes aires cérébrales travaillant de concert vont traiter l’information pour décider si, oui ou non, il y a menace. Le cas échéant, la sirène du système se déclenche, c’est la douleur (2).

Une alarme sonne quand quelqu’un entre dans la pièce, parce que cette personne est supposée nuisible. La sirène ne se déclenche donc pas suite au dégât mais en réaction à une menace. C’est aussi le cas de la douleur.

Il arrive parfois que ce système d’alarme ne fonctionne pas bien (2). Il peut se déclencher en réaction à un stimulus ayant l’aspect de quelque chose de menaçant sans l’être effectivement, comme la fumée d’une cigarette sous une alarme incendie (comme quand on mange un piment très fort, cf. la fiche “nocivité, nociception, douleur”). Il peut aussi se déclencher parce qu’il est endommagé (comme dans la douleur neuropathique). Dans tous les cas, la sirène hurle comme si une nuisance potentielle avait été détectée. Même si l’intégrité tissulaire n’est pas menacée, la douleur sera ressentie comme si c’était le cas.

La métaphore de l’alarme est très intéressante pour expliquer les rôles respectifs du système nociceptif et de la perception douloureuse. Cependant, elle a ses limites. Tout d’abord parce qu’une alarme est généralement sensible à un seul type d’énergie, là où le système nociceptif est polymodal1 Différents types d’énergie physiques peuvent activer les nocicepteurs : températures, interactions chimiques, forces mécaniques… Voir plus d’explications (dès le récepteur). Ensuite parce que la douleur n’apparait pas uniquement en réponse à la nociception mais intègre les informations d’autres voies sensorielles. Et, finalement, parce que l’éventail de réponses à l’encodage des stimuli nociceptifs est bien plus large que la simple douleur et comprends toute une série de réponses réflexe, à la fois au niveau du système neuro-végétatif (eg. augmentation de la pression sanguine) et du système moteur (eg. réflexe de triple retrait/flexion, abrégé RIII). De plus, les perceptions générées par l’intégration de l’information nociceptive commencent avant le début de la douleur et s’inscrivent dans un continuum allant d’une perception légèrement aversive (envie de retirer sa main quand on l’approche du feu) à une douleur extrême.

Perception : intégration d’une sensation dans un processus cognitif donnant naissance à une expérience subjective plus élaborée, intégrant le contexte, l’histoire antérieure, les apprentissages…

La douleur est une perception. C’est donc une expérience subjective et chercher à la mesurer via des méthodes objectives n’a pas de sens. Seul le patient, qui en fait l’expérience, peut nous informer sur sa douleur. Ça n’est pas le cas pour l’activité du système nociceptif, qui peut être évaluée, notamment, via l’observation des réponses réflexes qu’il génère.

On peut discerner différentes dimensions à la douleur. Les principales sont : les aspects sensori-discriminatifs (localisation, durée, intensité, qualité), qui sont du ressort du système nociceptif, les dimensions cognitivo-évaluative (eg. réorientation de l’attention) et affectivo-motivationnelle (eg. aversion pour l’expérience douloureuse)(3).

Dans le cas d’une douleur aigüe, les aspects sensori-discriminatifs sont à l’avant plan. Ils permettent d’identifier précisément la menace et de sélectionner la meilleure réaction à avoir face à celle-ci.

Dans le cas de la douleur chronique, il y a très fréquemment des modifications du fonctionnement et de la structure du système nociceptif (4) que l’on pourrait comparer à des dysfonctionnements du système d’alarme (même quand il n’est pas la cause première de la chronicité). La menace n’étant pas vraiment présente, les aspects sensori-discriminatifs sont moins utiles (et parfois moins présent, comme dans le cas des douleurs diffuses de la sensibilisation centrale). Par contre, cette douleur inutile et récurrent affecte de plus en plus le moral, la qualité de vie, etc. du patient. Les composantes cognitives et émotionnelles de la douleur jouent dès lors un rôle plus important dans la perception douloureuse.

Idées clés :

  • La nociception n’est pas équivalente à la douleur.
  • La douleur est le système d’alarme du corps humain.
  • Ce système d’alarme peut avoir des ratés.
  • La douleur est une perception, par essence subjective et intégrant des aspects sensori-discriminatifs mais aussi cognitifs et émotionnels.

 

 

Pour aller plus loin :

Bibliographie :

1.         IASP Task Force on Taxonomy. Part III: Pain Terms, A Current List with Definitions and Notes on Usage. In: Merskey H BN, editor. Classification of chronic pain. Second Edition ed. Seattle: IASP Press; 1994.
2.         Melzack R, Katz J. Pain. Wiley interdisciplinary reviews Cognitive science. 2013;4(1):1-15.
3.         Melzack R. From the gate to the neuromatrix. Pain. 1999;Suppl 6:S121-6.
4.         Pak DJ, Yong RJ, Kaye AD, Urman RD. Chronification of Pain: Mechanisms, Current Understanding, and Clinical Implications. Current pain and headache reports. 2018;22(2):9.

GI Douleur

1 commentaire pour l’instant

ASSOCIATION ALGODYSTROPHIE bpfe Publié le19 h 26 min - 12 février 2019

Bonjour

nous sommes une association concernant l’algodystrophie (association algodystrophie beaucoup plus fort ensemble) et nous avons partagé votre fiche sur notre page car ce dossier est très bien fait. Merci à vous pour ce travail.

Laisser un commentaire