À part le paracétamol, les anti-inflammatoires et les opioïdes, quels autres antalgiques ?

À part le paracétamol, les anti-inflammatoires et les opioïdes, quels autres antalgiques ?

Les antalgiques autres

Auteur Rubrique de cours Relecteur Responsable
Anne-Priscille Trouvin Moyens thérapeutiques Nicolas ADENIS Thomas Osinski

Introduction
En 1985, l’Organisation Mondiale de la Santé a défini une stratégie de prise en charge de la douleur cancéreuse avec des paliers antalgiques [1]. Cette stratégie, dont le postulat principal était de corréler l’intensité douloureuse et l’efficacité potentielle des antalgiques, a permis une avancée significative de la prise en charge des douleurs cancéreuses.
Cependant plus de 30 ans plus tard la médecine de la douleur a largement progressé et les paliers tels qu’ils étaient définis à l’époque ne permettent pas une prise en charge de la douleur multidimensionnelle. Les douleurs sont très variables dans leur mécanisme et dans leur expression clinique. De ce fait une telle stratégie thérapeutique unique ne suffit plus [2].
Par ailleurs, de nombreuses molécules utilisées comme antalgiques ne figurent pas dans la stratégie de l’OMS. Il est donc nécessaire d’abandonner la stratégie en paliers de l’OMS pour tendre vers une stratégie faisant référence au mécanisme sous-jacent de la douleur. L’ensemble de ces différentes classes sera donc détaillée dans ce texte.

Antalgiques modulateurs des contrôles descendants inhibiteurs ou excitateurs 

Antidépresseurs tricycliques
L’amitriptyline (Laroxyl®) est un antidépresseur tricyclique efficace dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques et centrales (3). L’effet antalgique n’est pas immédiat, en revanche il semble survenir plus rapidement que l’effet thymique.
Le frein à son utilisation est la forte prévalence d’effets indésirables notamment : la somnolence, la sécheresse buccale, la constipation, l’hypotension orthostatique, la tachycardie, et la prise de poids.

Inhibiteur sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa)
Autre classe d’anti-dépresseurs ayant une efficacité dans les douleurs neuropathiques, les IRSNa doivent leur effet antalgique à l’action de la noradrénaline [3].
Ce groupe comprend la venlafaxine (Effexor®), la duloxétine (Cymbalta®) et le milnacipran (Ixel®).

Antalgiques anti-hyperalgésiques

 Antagonistes NMDA
La kétamine est un produit d’anesthésique général utilisé pour ses propriétés antihyperalgésiantes (en prévenant la sensibilisation des voies nociceptives) et antidépressives. Son utilisation en péri-opératoire permet une diminution du recours aux opioïde (épargne opioïde), diminue l’hyperalgésie et semble diminuer l’incidence des douleurs postopératoires secondaires [4].

Anti-épileptiques
Les anti-épileptiques agissent au niveau du système nerveux central en se liant à une protéine alpha2-delta des canaux calciques voltage-dépendant. Cette liaison entraine une réduction de la libération des neurotransmetteurs activateurs que sont le glutamate, la noradrénaline et la substance P [3].
La gabapentine (Neurontin®) est un antiépileptique indiqué dans les douleurs neuropathiques périphériques. Sa posologie sur 24 heures varie entre 900 et 3 600 mg. Les effets indésirables les plus fréquents sont : la sédation, une sensation vertigineuse, et rarement une ataxie locomotrice.
La prégabaline (Lyrica®) est indiquée dans les douleurs neuropathiques périphériques et centrales. Les effets secondaires les plus fréquents sont la somnolence, l’ataxie locomotrice et la prise de poids.

Néfopam
Le chlorydrate de néfopam (Acupan®) un antalgique non opioide, employé pour des douleurs d’intensité moyenne.
Il est utilisable par voie sous-cutanée ou en perfusion IV lente sur plus de quinze minutes : le patient étant en décubitus, une perfusion plus longue sur une heure est préférable (moins d’effets indésirables en perfusion lente).
La posologie maximale de néfopam : 6 ampoules soit 120 mg/24 h.
Il existe une administration détournée du néfopam avec l’administrées per os des ampoules injectables. Cette utilisation semble avoir peu d’intérêt compte tenu d’une biodisponibilité très faible (30%), et cet usage n’a jamais été validé.
Comme la kétamine, l’intérêt du néfopam réside surtout en post opératoire en la gestion des douleurs aigues et surtout à but d’épargne morphinique.

Antalgiques modulateurs de la transmission

Anesthésiques locaux
Les anesthésiques locaux sont largement utilisés et clairement indiqués dans le traitement et la prévention des douleurs aiguës induites par les soins (application cutanée d’EMLA®), via une anesthésie cutanée superficielle qui dure une à deux heures.
Dans les douleurs neuropathiques de topographie limitée (douleur post-zostérienne, douleur sur lésion nerveuse périphérique), il existe un emplâtre adhésif imprégné d’anesthésique local (Versatis®) [5]. Cet emplatre contient de la lidocaine et doit être appliqué pendant 12 heures en continu sur la zone douloureuse.

Capsaïcine
La capsaïcine est une substance extraite du piment rouge. L’application de capsaïcine a une action en 2 temps, initialement au premier contact elle active les récepteurs vanilloïdes et provoque une douleur puis le contact prolongé désensibilise ces mêmes récepteurs apportant alors l’effet antalgique. Les patchs de capsaïcine (Qutenza®) sont utilisés dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques de topographie limitée. Une application d’une heure de caspaïcine à concentration élevée est efficace pour plusieurs semaines à mois.

Conclusion
L’utilisation des antalgiques selon les mécanismes de la douleur et les modes d’action de chaque molécule permet ainsi une prise en charge individualisée.

Bibliographie
[1] Ventafridda V, Saita L, Ripamonti C, De Conno F.WHO guidelines for the use of analgesics in cancer pain. International Journal of tissue reactions, 1985, 7:93-6.
[2] Vargas-Schaffer G. Is the WHO analgesic ladder still valid? Twenty-four years of experience. Canada Familu Physician, 2010, 56(6): 514–517.
[3] Kremer M, Salvat E, Muller A, Yalcin I et Barrot M. Antidepressants and gabapentinoids in neuropathic pain: Mechanistic insights. Neuroscience, 2016, 3, 338:183-206.
[4] Gao M, Rejaei D, et Liu H. Ketamine use in current clinical practice. Acta Pharmacologia Sinica, 2016, 37(7):865-72.
[5] Katz P, Pegoraro V, Liedgens H. Characteristics, resource utilization and safety profile of patients prescribed with neuropathic pain treatments: a real-world evidence study on general practices in Europe – the role of the lidocaine 5% medicated plaster. Current Medical Research and Opinion, 2017, 33(8):1481-1489.

GI Douleur

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