Douleur et lésion ne vont pas forcément de pair
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Arthur Courtin | Douleur, différente de nociception | Nathan Risch | Jan-Hendrik Maitre |
Perception : intégration d’une sensation dans un processus cognitif donnant naissance à une expérience subjective plus élaborée, intégrant le contexte, l’histoire antérieure, les apprentissages…
Comme nous l’avons déjà évoqué, la douleur est une perception. Ce qui implique qu’elle intègre, en plus de la sensation, toute une série d’autres éléments contextuels, l’histoire du sujet…
Il arrive parfois que le contexte soit le facteur déclenchant principal d’une douleur alors même qu’il n’y a pas nociception. Dans un cas clinique célèbre, Fisher, Hassan, O’Connor (1995) (cités parDimsdale and Dantzer (1))) rapportent l’histoire d’un ouvrier du bâtiment dont la chaussure avait été transpercée de part en part par un clou, suite à une chute. La douleur du patient était telle qu’il a été transporté en urgence à l’hôpital afin que l’on puisse ôter le clou de son pied. En découpant la chaussure en vue de l’opération, les chirurgiens eurent la surprise de découvrir que le clou n’avait pas transpercé le pied du patient, contrairement à sa perception, mais qu’il était passé juste entre l’hallux et le deuxième doigt du pied, sans occasionner de lésion.
Il est important ici de souligner que la douleur ressentie par l’ouvrier était bien réelle. Certains pourraient être tentés de dire qu’elle était psychologique, “dans sa tête”. Ce serait mal comprendre ce qu’est la douleur, c’est-à-dire une perception, qui est, par définition, « dans la tête ».
A l’inverse, il peut arriver qu’on ne ressente pas de douleur alors qu’une lésion est bel et bien présente. Ronald Reagan raconte que, lors de la tentative d’assassinat dont il a été la victime, il n’a pas senti la balle lui traverser le poumon et que ce n’est qu’après que son garde du corps l’ait jeté dans la voiture et se soit couché sur lui pour le protéger qu’il a commencé à avoir mal. N’ayant pas conscience de s’être fait tirer dessus, il pensait que son garde du corps lui avait cassé une côte en le mettant à couvert, jusqu’à ce qu’il tousse et que du sang s’échappe de la plaie. Distrait par la détonation et l’agitation qui l’avait suivie, le Président des Etats-Unis n’avait pas ressenti la douleur. (https://www.youtube.com/watch?v=bTEi27JpwBY (Témoignage de Ronald Reagan))
Dans un contexte différent, Natty Hagood, un professeur de ski de la station de Jackson Hole (Wyoming) à fait une expérience similaire. Un jour où il skiait avec des amis, en sautant entre deux arbres, il a accroché une branche qui s’est fichée dans sa lèvre. Initialement, il n’avait pas réalisé ce qui s’était passé et pensait que sa lèvre s’était retournée. Ça n’est qu’arrivé en bas qu’il s’est rendu compte qu’il avait un bout de bois d’environ 45 cm accroché au visage. A aucun moment Natty n’a ressenti de douleur à cause de la branche et, d’après lui, ce qui lui a fait le plus mal dans cette expérience est l’injection d’un anesthésique local pour lui ôter le morceau de bois. Concentré sur ses mouvements et probablement rendu euphorique par le saut et la présence de ses amis, la douleur n’était pas apparue.
Si ce sont des cas extrêmes et exceptionnels, ces exemples montrent bien comment le contexte (input visuel, choc émotionnel, attention dirigée sur la performance…) peut influencer l’apparition de douleur. S’il est capable de faire apparaître de la douleur sans nociception ou d’en empêcher l’apparition malgré la nociception, on comprend aisément que le contexte puisse rendre bien pire ou bien moindre les douleurs rencontrées par nos patients. Le modèle bio-psycho-social prend dès lors tout son sens.
Douleur neuropathique (2): douleur étant la conséquence directe d’un pathologie ou lésion du système somatosensoriel
Allodynie : douleur générée par un stimulus normalement non-douloureux
Hyperalgésie : douleur augmentée pour un stimulus normalement douloureux
Hyperpathie : syndrome douloureux caractérisé par une réaction anormalement douloureuse à un stimulus, en particulier à un stimulus répétitif, autant que par un seuil augmenté
Après avoir vu les douleurs sans lésion et les lésions sans douleur, nous allons évoquer les lésion entraînant une douleur qui ne renseigne pas sur l’origine du problème. C’est le cas de la douleur neuropathique. Causée par une lésion ou une pathologie du système nerveux somatosensoriel, elle se manifeste sous la forme d’allodynie, d’hyperalgésie et d’hyperpathie en réaction à différentes modalités sensorielles (tact, chaleur…), le patient ressent des brûlures, des chocs électriques… à la périphérie. La douleur perçue ne le renseigne pas du tout sur son origine ou sa cause.
Dans le même registre, l’hypothèse la plus souvent retenue pour expliquer le mécanisme de la fibromyalgie est celle d’une sensibilisation du système nerveux central, qui amplifie l’information nociceptive et provoque à tout bout de champs des douleurs n’ayant pas d’utilité adaptative car ne renseignant pas sur des menaces réelles.
Idées clés :
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Bibliographie :
1. Dimsdale JE, Dantzer R. A biological substrate for somatoform disorders: importance of pathophysiology. Psychosomatic medicine. 2007;69(9):850-4.
2. IASP Task Force on Taxonomy. Part III: Pain Terms, A Current List with Definitions and Notes on Usage. In: Merskey H BN, editor. Classification of chronic pain. Second Edition ed. Seattle: IASP Press; 1994.
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