La douleur est une perception

La douleur est une perception

illusion visuelle

La douleur est une Perception !

 

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Charles Lagaert

La douleur est une perception

Pierre allengrin

Nathan Risch

 

La nociception est un système complexe, dynamique, qui s’adapte mais qui ne constitue qu’une des multiples facettes de la douleur. Pour définir la douleur comme une perception, il faut comprendre quel est l’enchaînement de chaque étape de traitement des informations, de leur réception à leur intégration.

La perception
Une perception est définie comme une opération psychologique complexe par laquelle l’esprit, en organisant les données sensorielles, se forme une représentation des objets extérieurs et prend connaissance du réel. [1] En effet,  »la perception est plus que la simple sensation : c’est la sensation suivie de l’acte intellectuel qu’elle suscite immédiatement et par lequel elle est interprétée.  » [2]

Le développement de notre organisme, la construction de soi dépendent de notre manière d’interagir avec le monde extérieur, de capter la multitude extraordinaire des stimuli de notre environnement.
La récolte des données sensorielles est la première marche vers la construction de nos perceptions. Suite à un stimulus, interne ou externe, un message nerveux se construit par transduction et est intégré dans le système nerveux central pour donner une sensation. Cette sensation sera ensuite interprétée à travers le prisme de nos expériences, de notre jugement et du contexte afin de définir une perception. [3]

 

 

Cette interprétation se fonde d’abord sur un mécanisme probabiliste, une utilisation statistique des expériences passées afin de donner un sens aux informations reçues. Autrement dit, comment agencer les informations reçues pour que l’ensemble ait la meilleure cohérence possible en comparaison à ce qui a déjà été vécu et appris ? La mémoire joue ici un rôle essentiel pour servir de référentiel à la perception produite. Quitte à modifier la sensation si cela est nécessaire, la mémoire permet de construire une représentation du modèle que nous nous faisons de notre environnement à un moment donné [4].
Ce cheminement est parfaitement illustré par l’expérience de la Rubber Hand Illusion, qui met en évidence les stratégies utilisées en permanence par le cerveau.

Plus concrètement, voici quelques exemples de perceptions  »simples » auxquelles nous sommes soumis au quotidien.
Nos yeux, en particulier la rétine, permettent de recevoir des ondes lumineuses : seule l’interprétation du message nerveux qui en résulte va aboutir à une perception. L’onde en elle-même n’a pas de couleur propre, c’est le système nerveux qui va lui en attribuer une en fonction de ses caractéristiques. [5] Les illusions d’optique sont également un formidable exemple de cette construction interne, de cette réflexion que notre cerveau est capable d’effectuer. Lorsqu’il est confronté à une situation inhabituelle, le système nerveux va combler les incohérences en modifiant la sensation. C’est le cas avec le motif de Kanisza : nous interprétons ce que nous observons en fonctions de nos expériences antérieures.

 

Qu’en est-il pour la douleur ?
Nous savons déjà que c’est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans ces termes. [6]

En effet, la douleur est bien une perception au titre où il existe une composante affective et motivationnelle de celle-ci,  »correspondant à l’impact émotionnel immédiat, à la mobilisation impérieuse des ressources attentionnelles et au besoin irrépressible de se soustraire à elle-même ».[7] Mais pour parler de perception en tant que telle, il nous reste à comprendre en quoi la douleur permet de se former une représentation de certaines situations extérieures menaçantes et de prendre conscience du réel.

Pour cela, demandons-nous d’où vient ce besoin irrépressible de fuir la douleur. Cette dernière alerte d’une menace potentielle ou réelle, et constitue un signal d’alarme protégeant l’intégrité de l’individu. La réaction obtenue peut être l’évitement, qui a toujours joué un rôle crucial dans la survie des espèces.

Prenons l’exemple de l’insensibilité congénitale à la douleur, qui offre un angle de vue unique pour en étudier le rôle.
Au travers des blessures observées chez les patients porteurs cette pathologie (multiples fractures, infections, brûlures…), on y observe l’importance que la douleur joue dans le maintien de l’intégrité physique de l’organisme et sa place dans la constitution de l’image corporelle du sujet. [7] [8]

De même, le cas des patients lépreux illustre comment l’atteinte des fibres nerveuses altère sévèrement la fonction d’alarme de la douleur. En effet, la négligence des patients face à certaines parties de leurs corps constitue le facteur de destruction majoritaire par rapport à la maladie elle- même. Ceci montre à quel point la fonction protectrice de la douleur est intimement liée au statut de l’image corporelle. [9]

Dans ces deux cas, l’insensibilité à la douleur atténue la notion de danger, qui ne constitue plus un facteur déclencheur d’une action pour s’y soustraire. L’image corporelle défaillante et l’absence de douleur ne permettent plus aux patients de prendre conscience du risque encouru vis à vis du danger d’une situation. Ainsi la gravité des lésions qui en découlent est souvent accentuée.

Même au cours de la vie, des pathologies chroniques comme le SDRC ou les amputations modifient la représentation somato-sensorielle corticale de la partie du corps concernée. Les aires de l’homonculus concernées perdent en précision lorsqu’elles sont sous-utilisées, favorisant ainsi l’apparition de douleurs chroniques. L’ancienneté et l’intensité des douleurs sont corrélées à la perturbation du schéma corporel. [10] [11]

Plus étonnant encore, des chercheurs ont montré un lien étroit entre la sémantique des mots et la douleur perçue par un patient. Lors d’une expérience qui consistait à exposer le sujet de l’étude
à une stimulation froide (-25°C) sur une partie du corps, les patients ressentaient en majorité la sensation annoncée par l’évaluateur, qu’elle soit chaude ou froide. Lorsque la sensation était reconnue comme chaude, les patients traduisaient une douleur plus importante que lorsque la sensation été reconnue comme froide pour une même stimulation. [12] [13]

Ces exemples apportent un éclairage sur les processus d’élaboration de la douleur en tant que perception et sur la manière dont elle s’inscrit dans le fonctionnement global de l’organisme. En effet, la douleur permet de se construire une image corporelle, une identité au sein de notre environnement afin de prendre conscience du réel. Elle est majoritairement dépendante de la représentation virtuelle façonnée par notre cerveau, à l’aide de la confrontation entre les différentes expériences vécues et par anticipation, indépendamment de la réalité physique.
Pensez à l’effet placebo ! Par son effet de modulation de la douleur, même pour des douleurs intenses, il est la parfaite illustration de cette capacité qu’a notre cerveau de construire une représentation fictive du ressenti en fonction de nos croyances et de nos attentes.

 

Bibliographie

[1]Centre Nationtional de Ressources Textuels et Linguistiques. (page consultée le 12/2017). [en ligne]. http://www.cnrtl.fr/definition/perception

[2]Manuila, A et al. Dictionnaire Français de Médecine et de Biologie. Edité par Masson & Cie ; 1972.

[3]Jull Gwen, Moore Anne, Falla Debora, Lewis Jeremy, McCarthy Christoher, Sterling Michele. Grieve’s Modern Musculoskeletal Physiotherapy, 4th Edition ; 2015.

[4]Jean Claude Ameisen (Pr. De Médecine, immunologiste). (page consultée le 12/2017). [en ligne]. https://www.canal-u.tv/video/universite_paris_diderot ,

[5]Sophie Mertz-Josse, Maryline Couette. Institut d’Enseignement à Distance, Paris 8. Système nerveux et fonctions sensorielles ; 2014.

[6]IASP (International Association for the Study of Pain). Définition de la douleur. (page consultée le 12/2017). [en ligne].

[7]Nicolas Danziger. Vivre sans la douleur ? ;2010.

[8]N. Danziger, J.-C. Willer. L’insensibilité congénitale à la douleur. Revue Neurologique. 2008 Volume 165, Issue 2.

[9]Paul W. Brand, Philipp Lancey. The Gift of Pain ; 1997.

[9]Dr David S. Butler and Prof G. Lorimer Moseley. Explain Pain ; 2003.

[10]S. Forderreuther, U. Sailer, A. Straube. Impaired self-perception of the hand in complex regional pain syndrome (CRPS). Pain. 2004 ; 110:756-761.

[11]A. Arntz , L. Claassens. The meaning of pain influences its experienced intensity. Pain. 2004 May ; 109(1-2):20-5.

[12]Tetsuo Koyama, John G. McHaffie, Paul J. Laurienti, and Robert C. Coghill. The subjective experience of pain : where expectations become reality. Proceedings of the National Academy of Sciences. 2005 Sep 6 ; 102(36):12950-5.

Autres Ressources

Prof G. Lorimer Moseley and Dr David S. Butler. Explain Pain Surcharrged ; 2017.

GI Douleur

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