Latéralisation, Imagerie, Miroir, l’IMG

Latéralisation, Imagerie, Miroir, l’IMG

Introduction à l’imagerie motrice graduelle (IMG)

Auteur Rubrique de cours Relecteur Responsable
Sophie Taillefer Moyens Thérapeutiques Audrey Bissieres Jan Maître

 

Définition [1]
L’imagerie motrice graduelle (IMG) est une séquence organisée de techniques destinée au traitement de certaines douleurs neuropathiques, qui comprend : la discrimination droite/ gauche, l’imagerie motrice explicite et la thérapie par miroir.

Description de la technique [1,18] :

  • Discrimination droite / gauche : des photographies de membres sont successivement présentées au patient qui doit en reconnaître la latéralité. Elles sont progressivement présentées dans différentes postures et dans différents contextes. On parle d’imagerie motrice « implicite », car elle demande indirectement au patient de se mouvoir dans l’espace de manière imaginaire.
  • Imagerie mentale : il est demandé au patient de s’imaginer bouger et adopter des postures qui tendent vers des situations douloureuses.
  • Thérapie miroir : elle est réalisée à l’aide d’un dispositif comprenant deux compartiments séparés par un miroir central et qui permet de cacher le membre/côté douloureux. Il est d’abord demandé au patient de bouger le côté sain en regardant le reflet pour donner l’illusion au cerveau que le membre caché bouge correctement sans douleur. La progression permettra des postures et mouvements de celui-ci en même temps que le côté sain, à l’intérieur de la boite miroir.


Boîte miroir”
L’imagerie mentale et la thérapie miroir font partie de l’imagerie motrice explicite car le patient se concentre directement sur le membre affecté [3].

Champ d’action

La plupart des études portant sur l’IMG concerne le Syndrome Douloureux Régional Complexe (SDRC) et les douleurs du membre fantôme (DMF).
Pour rappel, le SDRC est un trouble douloureux invalidant occasionné à la suite d’un traumatisme ou d’un AVC [6,14].  Le SDRC de type 1 ne présente pas de lésion nerveuse périphérique contrairement au SDRC de type 2 [5]. Dans cette condition, il y a une forte indication de la physiothérapie en termes de réduction de douleur et amélioration de la fonction, et il existe des preuves de faible niveau de l’IMG en complément du traitement médical habituel dans le SDRC chronique de type 1 [1,6,11,13,14]. La séquence organisée décrite ci-dessus semble bénéfique comparé à un programme non organisé [4]. La thérapie miroir montre des résultats dans le SDRC de type 1 post-AVC comparé à un miroir couvert (Cacchio, 2009) [4].

La DMF est une douleur pathologique occasionnée à la suite de l’amputation d’un membre, ressentie quelque part dans le membre amputé. Elle concerne 60 à 80% des personnes amputées et elle est sévère pour 5 à 10% de ces individus [3]. Initialement décrite par Ramachandran, plusieurs études ont été réalisées sur l’efficacité de la thérapie par miroir et plus récemment de l’IMG. L’IMG et en particulier la thérapie miroir ont été étudiées et sont recommandées pour le traitement des DMF [3,4,17]. Sans conclusion ferme toujours en raison de la petite taille des échantillons, la qualité de la méthodologie permet de donner des preuves de faible niveau de l’efficacité de la GMI par rapport à l’utilisation seule de la thérapie miroir [17]. A noter qu’il n’existe à ce jour pas d’autre traitement, médicamenteux ou non, plus efficace pour le traitement de ces conditions [3,4,6,17].

Autres cas : suite à un traumatisme aigu ou après une chirurgie, l’imagerie motrice est recommandée. [17]

Mécanismes d’action :

Au niveau cortical, chaque perception dont celle de la douleur, est caractérisée par une « neurosignature » ou “neurotag”, c’est à dire un « réseau de neurones interconnectés, distribué dans tout le cerveau ». L’implication est que “lorsqu’un neurone de ce réseau est activé, tous les neurones associés s’activent ensemble, selon un schéma unique” [18]. Quand la douleur persiste, il a été montré que la neurosignature de la douleur devient sensibilisée, désinhibée et « flou » :

  • Sensibilisation corticale : tout comme dans la moelle épinière, il peut y avoir une baisse du seuil d’activation des cellules nerveuses impliquées dans la neurosignature de la douleur, qui rend le neurone plus facilement activé. Il peut alors en résulter une douleur aux mouvements imaginés.
  • Désinhibition et flou : Principalement étudié au niveau de la région S1 pour des raisons de facilité méthodologique, il a été montré que la neurosignature « perd en précision » à cause de l’activation de cellules voisines.

Initialement décrite par Ramachandran pour les douleurs de type membre fantôme, il explique qu’il y a une incohérence entre l’intention de bouger (cartographie corticale), et l’absence de retour proprioceptif et sensitif du membre manquant [16]. Grâce à la neuro-imagerie, chez les personnes atteintes de DMF on observe un envahissement du cortex sensori-moteur du membre amputé (car non sollicité) par les zones adjacentes [1,3,17]. On parle alors de “réorganisation corticale”, et elle a aussi été étudiée dans les autres formes de douleur chronique, comme le SDRC ou encore la lombalgie chronique [9]. Tout comme dans la DMF, dans le SDRC 1 « des changements périphériques et centraux ont été observés avec une altération des systèmes de perception, moteur et autonome » [13].

La distinction entre l’imagerie motrice implicite (discrimination droite / gauche) et l’imagerie motrice explicite (imagerie mentale, boite miroir) réside dans activation du cortex prémoteur sans celui du cortex moteur dans le premier cas alors que les deux le sont dans l’imagerie explicite [11,12,13].

Limites :

Les limites de l’IMG et de ses composantes sont essentiellement méthodologiques.
Pour le traitement du SDRC, l’imagerie motrice seule étant peu évaluée, Thieme et Coll, restent prudents sur l’efficacité de l’IMG comparée à la thérapie miroir qui présentent plus de données [17]. La complexité de l’IMG peut donner plusieurs interprétations possibles [6].
Concernant la thérapie par miroir, le groupe contrôle se fait toujours « miroir couvert », donc considéré comme peu crédible par les sujets, ce qui limite l’effet placebo. Concernant le test de discrimination D/G, la spécificité est faible, en particulier pour le rachis.

La plupart des revues systématiques (RS) et des méta-analyses rapportent une certaine prudence dans l’interprétation des résultats, en rapport avec la petite taille et le recrutement de population [1,2,3,4,6,10,13,14,17]. A préciser que les auteurs des revues systématiques et méta-analyses concluent qu’il n’existe pas d’autre traitement aux effets supérieurs que l’IMG (médicamenteux ou non) concernant les pathologies citées, et que l’on ne retrouve pas de manière constante d’effet délétère associé.
Enfin, l’Imagerie Motrice Graduelle est un programme qui peut manquer d’indépendance car les études de bases retrouvées dans les RS [11,12,13] sont produites par Lorimer Moseley, fondateur de l’IMG et directeur du NOI Group (formations, livres, produits utiles à la technique).

Points à retenir :

  • L’imagerie motrice graduelle est composée de : la discrimination droite/gauche, l’imagerie motrice et la thérapie miroir.
  • La séquence organisée de l’IMG a encore été peu étudiée contrairement à ses composantes et en particulier la thérapie par miroir.
  • L’imagerie motrice implicite permet une activation du cortex prémoteur, tandis que l’imagerie motrice explicite active le cortex moteur.
  • Elle montre un intérêt dans le traitement des douleurs neuropathiques type douleurs du membre fantôme et SDRC.
  • Malgré le faible niveau de preuves, il y a peu d’alternative plus efficace pour ces conditions (DMF et SDRC). On ne rapporte pas d’effet secondaire indésirable significatif.

Bibliographie :

[1] Barbin J, Seetha V and al. The effect of mirror therapy on pain and motor control of phantom limb in amputees: A systematic review. Annals of Physical and Rehabilitation Medicine, Vol 59 issue 4, 2016.
[2] Boesch E, Bellan V, and al. The effect of bodily illusions on clinical pain: a systematic review and meta-analysis. Pain, 2016.
[3] Batsford MSc, PT, Cormac G. Ryan MSc, PT, PhD & Denis J. Martin BScPT (Hons), PhD (2017) Non-pharmacological conservative therapy for phantom limb pain: A systematic review of randomized controlled trials, Physiotherapy Theory and Practice, 33:3, 173-183, DOI: 10.1080/09593985.2017.1288283
[4] Bowering K.J, O’Connell N.E, and al. The Effects of Graded Motor Imagery and Its Components on Chronic Pain: A Systematic Review and Meta-Analysis. The journal of pain, vol 14, No1, 2013; pp 3-13.
[5] Campbell, J. N., & Meyer, R. A. (2006). Mechanisms of neuropathic pain. Neuron, 52, 77-92
[6] Cossins, Okell, and al. Treatment of complex regional pain syndrome in adults: A systematic review of randomized controlled trials published from June 2000 to February 2012
[7] Harris A John. Cortical origin of pathological pain. The Lancet, Vol 354. October 23, 1999.
[8] Karmarkar et al. Mirror box therapy for complex regional pain syndrome. Avril 2006. Anaesthésia.
[9] Flor H, Braun C, and al. Extensive reorganization of primary somatosensory cortex in chronic back pain patients. Neuroscience Letters 224 (1997) 5-8
[10] Frederik J.A Deconinck and al. Reflections on Mirror Therapy: A Systematic Review of the Effect of Mirror Visual Feedback on the Brain. Neurorehabilitation ans Neural Repair. 2015, vol 29 (4) 349-361.
[11] Moseley G.L. Graded motor imagery is effective for long-standing complex regional pain syndrome: a randomised controlled trial. Pain 108 (2004) 192-198
[12] Moseley G.L. Why do people with complex regional pain syndrom take longer to recognize their affected hand? Neurology, 2004; 62;2182-2186
[13] Moseley G.L. Graded motor imagery for pathologic pain: A randomized controlled trial. Neurology 2006;67;2129-2134 Published Online before print November 2, 2006
[14] O’Connell NE, Wand BM, and al. Interventions for treating pain and disability in adults with complex regional pain syndrome- an overview of systematic reviews. Cochrane Database of Systematic Reviews 2013, Issue 4. Art. No.: CD009416.
[15] Pelletier et al. Is neuroplasticity in the central nervous system the missing link to our understanding of chronic musculoskeletal disorders? BMC Musculoskeletal Disorders (2015) 16:2
[16] Ramachandran and Rogers-Ramachandran. Synaesthesia in phantom limbs induced with mirrors. Proc. Royal Society. Lond. B (1996)
[17] Thieme Holm, Morkisch N. and AL. The efficacy of movement representation techniques for treatment of limb pain – A systematic Review and Meta-analysis. The Journal of pain, Vol 17, No2 (february), 2016; pp167-180.
[18] The graded motor imagery handbook. Moseley G.L. Butler D. Noigroup publication. 2012.
[19] Vidéo de présentation (NOI Group): https://www.youtube.com/watchtime_continue=164&v=fWYUJscRBRw

GI Douleur

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